Chapitre 3

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Michaël ouvrit une troisième porte, et tomba enfin sur le genre d'endroit qu'el cherchait.

Les murs sombres de la petite pièce étaient couverts de placards aux portes transparentes. À l'intérieur, on pouvait voir des tissus lumineux, pliés parfaitement les uns sur les autres. Michaël vit aussi des boîtes de médicaments colorés et des instruments de chirurgie. De plus gros équipements étaient stockés dans des rangements au plafond. Ils ressemblaient aux kits de soin que les vertus transportaient souvent sur le front, remplis de thaumaturgies pré-tissées.

Observant les alentours, Michaël réprima sa claustrophobie grandissante pour fouiller la pièce en quête d’un quelconque indice sur ce qui allait lui arriver entre les mains de cette domination. El ouvrit les placards. El étudia les tissus lumineux d’abord, brodés de thaumaturgies. Très communs, el permettaient aux élohim qui les consumaient à la lumière de leur halo de se soigner ou de se requinquer sans devoir compter sur la présence d’une vertu. Cependant, ces sorts-là étaient bien différents de ce que Michaël connaissait. Els étaient brodés de lettres rouges au sens indéfrichable. Els doivent utiliser des langages différents à Guebourah, supposa Michaël, un peu ébranlé. Dans les placards, el trouva aussi des centaines de poches à perfusion, remplies d’un liquide rouge et visqueux. Mais c’est quoi ce truc ? se demanda Michaël. El renifla son odeur ferreuse et grimaça.

— Que faites-vous ?

Michaël sursauta. Une vertu venait d'apparaitre dans la pièce. Prit en flagrant délit de fouinage, Michaël reposa la poche de liquide rouge et se tint droit, fier. El observa la vertu. El était masqué. Une robe en plastique transparent l'enveloppait et dessous, el était couvert du liquide rouge et ferreux de la tête au pied. Une partie de ce fluide étrange coulait sur son corps, entrant et sortant de ses veines sans se répandre partout.

— Avez-vous consommé de ce liquide ? demanda le nouveau venu.

— Moi non, mais vous si, clairement.

La vertu leva soudain un pistolet sur Michaël.

— Non ! Non ! Je n'ai pas touché je vous jure ! s’écria le jeune prince.

L'inconnu pressa la détente. Michaël tressaillit.

Biiiip !

— C'est bon, vous n'avez pas consommé, dit la vertu en observant le résultat négatif sur son petit appareil de test.

Michaël, la mine choquée, vit la vertu ranger son capteur et lui tendre la main. Le Fitzarch l'observa, ses yeux froids remplis de méfiance.

— Où allons-nous ? demanda le jeune prince.

La vertu resta silencieuse. Michaël, têtu, croisa les bras.

— Si vous ne m’expliquez pas je viens pas.

La vertu soupira.

— Nous allons vous préparer pour l'exfiltration, dit-el. Le temps presse. Vous ne pouvez pas rester ici trop longtemps…

— Pourquoi ?

— Vous ne pouvez pas, c'est tout, soupira la vertu plastifiée. Vous voulez finir à Guebourah non ?

— C’est quoi le plan ?

— Vous déguiser. Maintenant suivez-moi.

La vertu attrapa le bras de Michaël et l’entraîna dans un miroir. La seconde suivante, le jeune prince ouvrit les yeux dans une petite cabine.

— Déshabillez-vous, ordonna la vertu.

— Entièrement ?

— Oui.

Michaël soupira et se départit de son uniforme de vertu d'Ennead. El prit soin de conserver le cristal de Nakirée et le nicha dans son halo, où il adhéra à la couronne de métal-lumière argenté dont il était fait. La vertu le vit faire et n'y trouva rien à redire, ce qui soulagea Michaël. D'un geste, la vertu invita Michaël à sortir de la cabine. El la guida dans ce qui semblait être les vestiaires d'une piscine. Sauf qu'à la place de l'eau, des traces de liquide rouge, toujours à l'odeur ferreuse dégoutante, maculaient le sol de carrelage humide.
Michaël arriva finalement dans une grande salle carrée. L'endroit était couvert de miroirs du sol au plafond. Au centre, et répété dans des reflets infinis, se trouvait une large fontaine de ce liquide rouge et ferreux. L’odeur qui en émanait agressa les narines de Michaël. À l’intérieur de ce bassin gluant se tenait Vilanel. Habillé d’une longue robe transparente, el trempait son corps comme pour se préparer à un rituel occulte. El était entouré de quatre vertus, assises autour du bassin, les pieds dedans. La cinquième, qui avait conduit Michaël ici, se joignit à els. Le jeune prince réalisa alors qu’aucun de ces élohim ne se reflétait dans les miroirs. El seul y apparaissait, debout, hébété, une infinité de fois. El soupira :

— Par EL et les sept…

C’est alors que Vilanel se leva, portant une coupe dorée entre ses mains sanglantes. Les vertus se levèrent aussi. Els traversèrent les miroirs, entrant chacun dans un reflet et un bassin différent. Suivant le modèle de la domination, els remplirent leurs coupes du liquide rouge et les brandirent brusquement au-dessus d’els. Dans de violentes éclaboussures, Vilanel et ses vertus recouvrirent de ce liquide rouge l’univers miroitant dans son infinité, y compris Michaël. Aussi surprit que dégoûté, le prince ainsi trempé protesta :

— Mais c’est quoi ce truc ?!

Les vertus s’échangèrent des regards amusés.

— Le sang d’Adam ! s’exclama Vilanel.

— Quoi ?!

La domination ne répondit pas, ses grands yeux noirs perdus dans les reflets infinis des miroirs. Le sang d’Adam qui les maculait se coagula en petites gouttes, formant une étrange galaxie rouge. Vilanel scruta longtemps ces étoiles sanglantes comme pour trouver leur secrets, passés, présents et surtout futurs. Son expression changea au fil de ses visions. Sa bouche s’ouvrit sous la surprise, ses sourcils se froncèrent sous la colère, avant de se détendre sous la joie. Michaël resta tétanisé, mais une colère sourde pulsa dans son cœur. En un instant, Vilanel sortit de sa transe et brandit sa coupe devant el.

— Bois ! ordonna-t-el.

Avant que Michaël ne puisse réagir, la domination porta la coupe à ses lèvres et la contraint à avaler tout son contenu. Le “sang d’Adam”, gluant, coula trop doucement dans l’œsophage de la jeune vertu, qui lutta pour calmer les contractions de son estomac. Quand el eut fini de boire, el se pencha en avant, luttant pour ne pas vomir. El se tint la bouche et le ventre, les yeux remplis de larmes. Sa respiration s’écourta. Son regard se perdit dans des visions d’horreur. Un grand serpent noir émergea du bassin de sang et se jeta sur el tous crocs dehors pour dévorer son âme. Michaël se débâtit en hurlant.

— El nous fait une attaque post trauma ! cria une voix désincarnée.

Vilanel grogna. Son regard urgea les vertus d’intervenir. Autour du prince, ces dernières tissèrent des sorts d’apaisement, qui captèrent son halo torturé. Michaël cessa d’avoir des visions, mais el sentit son visage bouillonner, ses membres se remplir d’une douleur tranchante.

— C'est bon, el est prêt, valida Vilanel.

Les vertus qui l’entouraient sortirent des couteaux de leurs poches. Els tendirent les bras en une seule frappe, tranchèrent leurs propres veines. De leurs blessures, du sang d’Adam coula. Els entaillèrent alors les bras de Michaël. Vilanel leva les bras au-dessus de la scène et sous sa volonté, le sang se mut. Il entra dans le corps du prince via ses plaies, remplaçant son sang d’éloha, doré. La douleur bouillante fit hurler Michaël encore une fois. El convulsa plusieurs minutes.

— C’est toujours dur la première fois, gémit la voix désincarnée.

♂ — CHUT ! 

D’un seul coup, Michaël se calma. Les vertus le lâchèrent et el tomba au sol. El reprit son souffle, se mit à quatre pattes, secoua ses ailes couvertes de sang. Devant el, Vilanel el aussi reprenait son souffle, visiblement affaibli. Lorsqu’el baissa les bras, le sang des vertus cessa de couler vers les veines de Michaël. Son rituel accompli, la domination se laissa tomber en arrière dans le bassin, provoquant une éclaboussure qui nappa encore plus l’endroit du Sang d’Adam.

— Wow…

Dans le miroir qui couvrait le sol, Michaël se découvrit un nouveau visage, long, pâle et émacié. El le toucha pour s’assurer qu’il était bien réel. Puis el se découvrit aussi une nouvelle silhouette, baraquée de muscles massifs et même un nouveau halo. Fini l’argent et la grande lumière mauve. El portait maintenant un halo de cuivre, à la lumière vert pâle et faible. Un nouveau nom en émanait : Mikiel.

— Qu’avez-vous fait ? haleta Michael.

— Nous t’avons déguisé par un rituel du Sang d’Adam. Tu es maintenant Mikiel.

— Mikiel ? Ça ressemble trop à…

— Nous n’avons pas le temps de changer ton nom davantage, expliqua Vilanel depuis son bain de sang. Nos noms sont issus de la parole d’EL lui-même. Les modifier demande de très longs rituels.

Michaël lâcha un soupir dépité en continuant d’observer son reflet. El ressemblait maintenant à une vertu de cinquantième génération, un simple peupl’aile. El se vit si petit et insignifiant, son grand esprit et sa grande âme étouffés dans un corps privé de cette noble ampleur. Un léger vertige fit vaciller Michaël alors qu’on le relevait. Vilanel disparu dans son bain de sang. Les vertus quant à elle, firent de nouveau traverser les miroirs à Michaël. Els la ramenèrent dans sa chambre médicalisée.

Michaël s’assit dans son lit-œuf. Les vertus repartirent, le laissant seul. Dans le miroir en face d’el, el vit l’inconnu qu’el était devenu. Au moins, el était maintenant tout propre. Le sang rouge qui le maculait quelques secondes plus tôt avait disparu par lui-même, comme absorbé par sa peau. Michaël observa ses bras pâles. Ses veines étaient rougies. Le sang d’Adam y circulait à présent. El s’agita, mal à l’aise. D'où venait donc ce liquide qui semblait porter le nom d'Adam Kadmon lui-même, le corps détruit du Créateur ? La jeune vertu n’avait jamais vu une telle chose, une telle thaumaturgie, glauque et douloureuse. À la Cour de Kokab, auprès de Raphaël et de son entourage, el avait pourtant apprit bien des choses sur les thaumaturgies des neuf chœurs, si nombreuses et différentes. Les rituels qu’el venait de subir étaient totalement aliens, mais au moins, els semblaient avoir fonctionné.

— Combien de temps je vais rester comme ça ? demanda Michaël.

Seul, el était cependant sûr d’être observé.

— Aussi longtemps qu’il faudra, ricana la voix désincarnée, qui n'appartenait pas à Vilanel.

— Encore vous ? lâcha Michaël.

— Plaît-il ?

— Montrez-vous donc ! exigea Michaël. C’est pas poli de parler comme ça, sans se montrer ou se présenter.

— Oh… Je suis désolé, minauda la voix. Je ne peux pas passer au travers des miroirs tout seul vois-tu. Donc je peux pas t'atteindre autrement qu’à travers le réseau…

Le réseau EL passait même ici. Intéressant. Michaël tenta de s'y connecter, en vain. El chercha discrètement le cristal de Nakirée dans sa main. Même avec son aide, el ne put accéder au réseau.

— Qui êtes-vous ? insista Michaël.

— Nana.

— Nana ?

— Oui c’est mon nom.

Michaël soupira. Nana poursuivit :

— Le temps presse comme disait l’autre. Il y a un coffre dans le coin là, entre le placard et le mur. Prends ce qu’il contient et habille-toi. Dans quelques heures, il sera temps de se sauver.

Michaël s’exécuta. El s’encouragea mentalement. Quoi qu’el arrive, el serait fort. Mais qu’allait-il se passer exactement ?

— Vous m’emmenez directement à Guebourah ? demanda Michaël.

— Oui oui… Nous allons te confier à Sparda, commandant d'une chorale de puissances militantes. Tu t'y sentiras “utile” promis.
Michaël soupira.

— J’y serai "Mikiël" c'est ça ?

— Exactement. Ta venue à Guebourah va être une affaire d’État qui remontera jusqu’à la Cour Céleste. Donc on va y aller doucement, tu vois ? Pour l’instant, on va rester incognito. Bon je te laisse. On se revoit dans trois heures environ. En attendant repose-toi bien. 

Michaël fit une moue contrite. Les mots de sa mère azoha lui revinrent alors. Tu as encore beaucoup, beaucoup de temps devant toi, pour découvrir le rôle qu’EL te réserve, pour trouver ta voie. La patience. La patience était-elle possible ? Un sentiment d’urgence pulsait dans le cœur de Michaël depuis le début. Le début de sa déchéance, le début de son service, le début de sa vie. El ferma les yeux, soupira doucement et finit de revêtir l’uniforme couleur sable qui la déguiserait en simple vertu militante. El n'oublia pas de garder avec el le petit cristal donné par Nakirée, qu'el n'avait même pas eu le temps d'étudier depuis la fin de sa pénitence. El l'observa, vit ses reflets sombres, mais n'osa le sonder. El se rappela des paroles de Nakirée. El devait confier ce cristal au chef des Interracs, Euthanatos. Mais ce dernier était dans le royaume de Ckokmah, si lointain. Michael ne pourrait pas le lui remettre de si tôt. 

Alors el attendit, observant son reflet d’inconnu dans le miroir. Au bout de quelques minutes, el s’allongea dans le lit-œuf. Un lourd chagrin vint flotter dans sa gorge mais el refusa de pleurer.

— Je suis Mikiël de Hod. Mikiël de Hod.

L’estomac de la vertu se tordit.

— Non, non, je suis prince… un prince céleste. Michaël Fitzarch. Je peux pas devenir un peupl'aile. À quoi je vais servir si je ne peux pas utiliser toute l'étendue de mes pouvoirs ? Non, il faut que je sois patient, patient...
Nana ne dit plus rien. El n'était plus là. Michaël réprima encore des larmes. El se tourna vers son propre esprit et pensa à sa mère. El la revit avec Burrhus. Ce démon l'a manipulée, trompée pour pouvoir m'atteindre. Et Raphaël a laissé faire tout cela. La jeune vertu commença à écrire mentalement un message d'adieu à l'azoha qui lui avait donné naissance. Mille questions fusèrent dans son esprit. Pourquoi ? Comment ? Qu'as-tu fait et que sais-tu ? Michaël se leva. El fit les cent pas dans la chambre, agita ses ailes. El voulait décoller et rejoindre sa mère pour lui parler en face à face. El s'approcha du miroir, puis de la porte, sans pouvoir les franchir. El voulait demander, insister, exiger, de voir Ophélia.

De longues minutes de tourment passèrent. Michaël se recoucha, tourna et se retourna dans son œuf. El jura face à son incapacité à maîtriser ses émotions et sa précipitation. Ses collègues vertus eux, y parvenaient (quand els le voulaient). Els adoraient se déchainer les uns sur les autres, se confronter à des situations critiques, mais els ne subissaient que ce qu'els voulaient subir. Michaël l'avait vu bien des fois. Autour de la table stratégique, Kokabiel et Brenna analysaient froidement les évènements, recevaient les appels de détresse sans jamais avoir envie d'intervenir à toute vitesse. Raphaël aux commandes de ses troupes perdait tout son charme. El était froid et calculateur, très direct voire cru. Michaël, el, sentait toujours ce feu dans ses mains et sa gorge. Il s'emparait même de ses ailes lorsqu'el se lançait. El devait toujours le repousser, calmer sa fureur pour rester froid. El y parvenait parfois, souvent, suffisamment pour que Kokabiel le traite de cyborg. 

"Je t'appelle cyborg parce que tu es têtu comme une machine, pas pour ton self-control"

Michaël sentit le feu l'embraser tout entier. El ferma les yeux et comprit quelle était la seule chose à dire à Ophélia. El écrit dans son esprit un cours message à sa mère. Mais quand el eu fini, un choc frappa le centre de sa poitrine. El) hoqueta. Un froid absolu s'enfonça dans ses cœurs. Michaël se redressa, se rallongea, se redressa encore. La douleur passa vite, ne laissant qu'un froid pulser doucement dans son corps. La vertu serra les poings. El s'accrocha à cette froideur et soudain tout cessa. 

C'est alors que Michaël se souvint de la frappe de Burrhus. La lame sombre, les cris suppliants de sa mère. L'océan blanc monta autour d'el, charriant dans ses courants les corps des gardiens de Sicad. Michaël revit Nakirée et Constantiel glisser sous la surface, inertes. El tendit le bras, mais trop tard, Michaël coula et disparut avec els. 

Michael retrouva la vue dans le monde du Reflet. El revit la Kokab fantôme, une vision toujours aussi désarmante. La cité de mercure liquide, silencieuse, se révéla dans une atmosphère glaçante. 

Qu’est-ce que … ? 

Michael baissa le regard. Sous el, el vit le vaisseau de métal de Géhenna. À l’intérieur, el perçut les halos des vertus et des dominations, dont celui, rouge, de Vilanel. Els s’afféraient tous autour d’un corps allongé, celui de Mikiel, sa fausse identité. Le vrai Michael, el, flottait loin au-dessus, relié au corps par un fin fil de lumière.

Je suis au bord de la mort, comprit Michael, qui n’était plus qu’un halo. Le rituel de Vilanel avait-il mal tourné ? Peu importait. Michael devait retrouver son corps au plus vite. El tenta de redescendre, en vain.

Suspendu dans l’espace et le temps, entre la vie et la mort, Michael lutta contre la panique. Trop d’agitation et tac, le fil qui le retenait à son corps céderait, et son halo s’envolerait vers le Berceau de Binah, où toutes les âmes élohiennes reposaient. Du moins, normalement. Les âmes dans le Reflet pouvaient-elles trouver leur chemin vers le Berceau ?

Je vais rester coincé ici pour toujours ?! 

Impuissant, Michael pria EL pour que les vertus de Géhenna le ramènent. Dans son attente, el contempla la cité fantôme. À force d’attendre, el perçut quelques perturbations dans le tissus de la réalité. Étaient-ce des songes ? Des illusions ? Michael, bien que désincarné, frissonna. Les anomalies se multiplièrent, de petits mouvements qui tordaient la lumière, déformaient le paysage. Michael se sentit observé. 

Et si Burrhus n’avait pas été seul ? Et si ses alliés étaient à sa poursuite ? 

Michael nagea dans le flou, apeuré. Ici, désincarné, el se sentit vulnérable. Les défenses psychiques n’avaient pas suffi contre Burrhus, elles ne suffiraient pas ici, pensa-t-el. Vilanel ! appela Michael. Sauve-moi ! Vite !

Sous Michael, le vaisseau continuait d’avancer, emportant son âme à peine accrochée. El parcouru ainsi une distance non négligeable, offrant à Michael une petite visite de la Kokab du Reflet, à priori identique en forme à la Kokab que le jeune Fitzarch connaissait. Mais au bout de quelque temps, le convoi passa devant une cathédrale de l’Ecclésia. Et sur sa façade, Michael vit une représentation inédite. Sur une toile blanche était représentée, de profil, une magnifique azoha rousse, aux yeux aquamarins, drapée de feu. Dans sa main, el tenait un petit éloha, la tête à l’envers, suspendu par le pied comme un simple pantin. Michael plissa les yeux. El reconnu le halo de Sandalphon en personne. Sous la représentation était inscrit en langue ancienne :

Kokab, seule reine de Hod. 

Michael s’étonna. Quelle étrange représentation. El se souvint que Kokab avait été l’épouse du Porteur de Lumière, et la mère de Sandalphon. Pourquoi était-elle représentée en train de suspendre son fils par le pied ? Qui diable avait peint cette représentation ? Un fanatique de l’azoha sans doute ? Un amoureux transit ? En d’autres circonstances, Michael en aurait ri. Mais ces idiots de l’Ecclésia auraient sûrement qualifié cette représentation d’hérésie. 

Michael observa longuement la représentation, une sensation grandissante en el. Mais soudain, l’espace-temps vrilla. Des craquements et déchirements résonnèrent, assourdissants. Michael cria, et tomba. 

— Michaël… Michaël ? Votre altesse…

Autour du corps du jeune prince céleste, les vertus-chirurgiens tissaient à toute vitesse. Leurs tuniques de latex et de plastique rouge étaient maculées de sang doré.

— Passez-moi le tube aspirant, fit le chirurgien en chef. Vite !

La succion de l'instrument résonna dans la petite pièce. Les machines de cristal continuèrent de biper à tout rompre. Puis soudain…

Biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip

— Asystolie !

— Par EL et les sept...

Vilanel, toujours enveloppé de rouge, faisait les cents pas. Son corps était présent dans la petite pièce, mais pas son esprit. Plongée dans son monde intérieur, Vilanel analysait chaque évènement, chaque personne, impliqués dans son histoire. Chacun de ces éléments brillaient comme des étoiles dans une galaxie fourmillante. La domination relia chaque astre, formant des constellations logiques, établissant les causes et les effets. Puis, alors que les médecins luttaient pour sauver Michaël, el s'immobilisa. Une fureur sans nom monta dans ses yeux noirs. 

— J'ai lu entre les étoiles, dit el. 

El s'approcha de Michaël, se perchant au-dessus d'el. Les chirurgiens maintinrent la poitrine du jeune prince ouverte alors que la domination plongeait sa main à l'intérieur. Les vertus sursautèrent alors que Vilanel sortait une petite lame noire d'entre ses cœurs. 

— Maudit séraphin...

Le chirurgien, outré par le risque prit par Vilanel, ouvrit la bouche pour protester. Puis el la referma, apeuré par l’expression de Vilanel. La domination n'avait plus de patience, même envers ce respectable médecin. 
Comment avait-el pu ne pas voir, anticiper cette chose ? Cet acte évident et impie ? Il s'en était fallu de quelques secondes pour que tout s'écroule. 

Vilanel respira doucement, se concentra sur el-même et calma son esprit. Dans sa main, la petite lame noire brilla et coula. Sur la table d'opération, Michaël se réveilla en toussant. Son sang doré gicla de son torse. 

— Oh par EL, soupira Vilanel en s'appuyant sur le coin d'un meuble. El se réveille !

Les chirurgiens s'empressèrent de rendormir Michaël le temps qu'els ferment son torse béant. Quand le jeune prince se réveilla, el se trouva seul face à Vilanel. 

— Peux-tu te lever ? As-tu mal ?

Michaël se redressa, encore dans les vapes. El toucha sa poitrine, déjà redevenue intacte. 

— J'ai trouvé ça entre tes cœurs, révéla Vilanel. 

La domination montra la petite lame noire, semi-liquide, mais terriblement tranchante. El la manipula délicatement pour ne pas se couper. 

— Burrhus, croassa Michaël en voyant l’objet. El m'a poignardé…

— El t'a laissé un joli souvenir. Une lame annihilatrice. 

— Une quoi ?

— Une lame qui annihile tout ce qu'elle tranche, corps et âme. Un bel héritage du Psychopompe el-même. 

Le Psychopompe, père des chérubins, avait été le primordieu chargé d'éliminer les créations imparfaites. El appliquait son jugement impartial avec sa lame, Laevatein, l'annihilatrice. Cependant, Michaël, comme tous les élohim, n'avait jamais envisagé que cette arme, ou un de ses fragments, pouvait encore exister, et se retourner contre les élohim eux-mêmes. 

— Cette chose était un piège planté entre tes cœurs, expliqua Vilanel. Elle était censée te tuer maintenant plutôt que lors de ta pénitence. Burrhus aurait sûrement été suspecté si tu étais mort pendant ton séjour à la cathédrale. Mais ce maudit séraphin ne s'attendait pas à ce que tu finisses avec nous plutôt qu'auprès de Raphaël, en route vers Malkouth.

Michaël soupira doucement. Ennead était une chorale de vertu qui comptait dans ses rangs des dizaines d'excellents médecins. Burrhus avait-el vraiment espéré réussir son coup ? 

— Ne me fait pas ce regard ! s'exclama soudain Vilanel.

— Hein ? souffla Michaël. 

— Tes yeux sont vides, ta voix étouffée. Tu as perdu toute ta volonté.

— Mais je viens de me réveiller d'une tentative de meurtre…

— Nous n'avons pas le temps pour la faiblesse. Tu dois quitter Hod dès maintenant. 

— Je suis en état ? Je me sens mal…

— Le Sang d’Adam te fera tenir. Allez, vite, nous avons déjà raté le transport qu’on avait prévu. On est sur notre plan B. Lève-toi, maintenant. 

Michaël lutta pour respirer correctement. Vilanel était particulièrement pressé. Avait-el peur ? Voilà qui était rassurant. La domination sortit alors par un miroir, tendit la main. Michaël se leva, l'attrapa et plongea avec el dans le Reflet, ou peut-être hors du Reflet ? El n'en avait aucune idée.

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